1 – Les nouvelles dispositions relatives aux congés payés en arrêt maladie

2 – Comment faire valoir ses droits ?

1 – Les nouvelles dispositions relatives aux congés payés en arrêt maladie

Les nouvelles règles de décompte des congés payés sont très complexes car les salariés n’acquièrent pas le même nombre de jours de congés selon l’origine de leur arrêt.


Les arrêts pour accident du travail ou maladie professionnelle : la limite d’un an pour l’acquisition de congés payés pour ces arrêts est supprimée. Désormais, les salariés en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle acquièrent des congés payés pendant la totalité de leur arrêt, quelle que soit sa durée.


Les arrêts pour maladie non professionnelle : jusqu’au revirement de la Cour de cassation de septembre 2023, les salariés n’acquéraient pas de congés payés en arrêt maladie, ce qui était contraire au droit de l’Union Européenne. Désormais, les salariés acquièrent des congés payés mais limités à 2 jours/mois soit 24 jours ou 4 semaines/an (contre 2,5 jours/mois donc 5 semaines/an, ou plus par accord conventionnel), ce qui correspond au minimum garanti par le droit de l’Union.

Pour la CGT, ces règles sont discriminatoires et contraires au droit de l’Union. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur pouvait traiter différemment des salariés selon l’origine professionnelle ou non de leur arrêt maladie, en validant la possibilité d’acquérir moins de droits à congés en arrêt maladie d’origine non professionnelle qu’en arrêt pour maladie professionnelle ou accident du travail. Il ne s’est pas prononcé sur le fait que cela crée une discrimination en raison de l’état de santé, puisque les salariés malades acquièrent moins de droits que les salariés non malades !
Toutefois, dans un avis rendu le 11 mars 2024, le Conseil d’Etat avait déduit de cette décision que la différence de traitement entre salariés en arrêt maladie et les autres salariés, ne méconnaissait pas le principe constitutionnel d’égalité (CE, avis, n°408112, 11 mars2024).

L’information du salarié par l’employeur : Lors du retour du salarié dans l’entreprise après un arrêt de travail pour maladie, quelle qu’en soit l’origine, l’employeur doit porter à sa connaissance, les informations suivantes (article L. 3141-19-3 nouveau du Code du travail) :

  • le nombre de jours de congé dont il dispose
  • la date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.

L’employeur a 1 mois à compter de la reprise pour communiquer ces informations par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment par le biais du bulletin de paie.

Cette obligation s’impose au retour de chaque arrêt de travail, même s’il est sans effet sur les droits à congés (donc les arrêts de courte durée ou ne dépassant pas la période de prise).

Pour la CGT, ces dispositions sont insuffisantes et le droit français reste contraire au droit de l’Union.
En effet, pour la Cour de Justice de l’Union Européenne, le critère n’est pas l’information du salarié sur son droit à congé, mais le fait pour l’employeur de mettre le salarié en mesure de prendre ses congés. Or, compte tenu des règles de report expliquées ci-dessous, un salarié en retour d’arrêt peut très bien être informé qu’il n’a plus de congés ou que ses possibilités de prises sont restreintes (par exemple: le nombre de jours de congés à prendre est supérieur au temps qu’à le salarié pour les prendre).

Sauf exceptions, cette information est le point de départ du délai de report de 15 mois.
Le report des congés limité à 15 mois : le gouvernement a voulu circonscrire dans le temps la possibilité de reporter les congés payés acquis.

Le texte distingue 2 situations :

  • Congés acquis avant l’arrêt : lorsqu’un salarié est dans l’impossibilité, pour cause de maladie ou d’accident, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu’il a acquis, il bénéficie d’une période de report de 15 mois afin de pouvoir les poser.

La période de report débute à la date à laquelle le salarié est revenu dans l’entreprise et a reçu de son employeur les informations relatives à ses droits à congés.

  • Congés acquis pendant l’arrêt : si un salarié n’a pas pu prendre ses congés car en arrêt maladie d’au moins 1 an, les congés acquis au titre de cette période d’arrêt maladie qu’elle que soit son origine sont reportés sur 15 mois mais la période de report ne débute pas au retour du salarié dans l’entreprise, mais à la fin de la période de référence au titre de laquelle les congés ont été acquis.

Si le salarié reprend le travail alors que la période de report n’est pas terminée, elle est suspendue jusqu’à ce que l’employeur l’ait informé de ses droits à congés. (voir l’annexe 1)

Pour la CGT, la fixation du point de départ du report à la fin de la période d’acquisition est contraire au droit de l’Union. Les salariés absents longtemps sont donc largement pénalisés, alors qu’ils sont déjà dans une situation difficile du fait de leur état de santé : on parle pour l’essentiel de personnes en affections de longue durée.
Par ailleurs, le législateur utilise une formulation trompeuse en parlant d’un report de 15 mois dans l’hypothèse d’un arrêt supérieur à 1 an. En effet, la période de prise congés est d’1 an, donc si la période de report commence à courir à la fin de la période d’acquisition et non de la période de prise, le report n’est en réalité que de 3 mois puisque les 12 premiers correspondent à la période de prise.

Le droit au report ne semble pas concerner le cas où l’arrêt de travail du salarié prend fin avant l’expiration de la période de prise des congés. Dans ce cas, le salarié doit être informé de ses droits à congés par son employeur, mais il doit les prendre avant la fin de la période de prise des congés.

Au-delà du délai de report, le salarié perd ses congés sauf si un accord d’entreprise ou de branche prévoit un délai de report plus long.
En revanche, les nouvelles dispositions légales ne prévoient pas la possibilité de déroger aux règles d’ordre public relatives au point de départ de la période de report.

2 – Comment faire valoir ses droits ?

Les nouvelles règles s’appliquent rétroactivement à compter de l’entrée en vigueur de la loi (24 avril 2024) jusqu’au 1er décembre 2009.
Pourquoi jusqu’au 1 er décembre 2009 ? Car c’est la date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui a donné une réelle valeur juridique à la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne. Or, cette Charte est le texte sur lequel la Cour de cassation s’est fondée pour juger de la contrariété du droit français au droit de l’Union, faute de pouvoir se fonder sur la directive relative aux congés payés qui n’a pas d’effet direct entre les particuliers.

Ce point de départ est discutable, dans la mesure où la directive relative aux droits à congés payés date de 2003 voire de 1993, et que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne date de 2000. Ici encore, on voit que le législateur a pris la date la plus récente pour restreindre le plus possible les droits à régularisation des salariés.

Le législateur n’a visé que les congés acquis au titre des périodes pour arrêt maladie d’origine non professionnelle. Les salariés peuvent donc demander à leur employeur les droits à congés qu’ils n’ont pas acquis à cause de période d’arrêt maladie depuis le 1 er décembre 2009. Les nouvelles règles sont entrées en vigueur le 24 avril 2024 par la loi du 22 avril 2024, appelée loi DDADUE 2. Toutefois, il était possible pour les salariés de faire valoir leurs droits avant cette loi sur le fondement des jurisprudences de la Cour de cassation du 13 septembre 2023.
4 ou 5 semaines ? « La loi ne stipule que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif. » nous dit l’article 2 du Code civil. Cela signifie que la régularisation doit s’opérer en partant du principe que les salariés en arrêt maladie d’origine non professionnelle pouvaient acquérir 2,5 jours par mois de congés payés donc 30 jours par an (ou plus si disposition conventionnelle plus favorable). La restriction à 2 jours par mois
et 24 jours par an pour les maladies d’origine non professionnelle ne s’applique que pour l’avenir, c’est-à-dire pour les arrêts débutant après le 24 avril 2024.
Ce n’est pourtant pas ce que prévoit la loi qui précise que, la rétroactivité ne pourrait pas conduire à ce qu’un salarié bénéficie de plus de 24 jours de congés payés par année d’acquisition des droits à congés, après prise en compte des jours déjà acquis sur cette période. Ce point sera probablement l’objet de contentieux !
Si ces règles sont communes, les délais pour réclamer leurs droits sont différents selon que le salarié est toujours en poste ou non.

C’est aux salariés de faire la demande auprès de leur employeur, que rien n’oblige à procéder automatiquement à la régularisation. La CGT met à disposition un modèle de courrier pour les syndicats pour faire les demandes de régularisation des droits à congés (Exemple de courrier).
Toujours dans l’optique de limiter le plus possible la transposition en droit français des dispositions plus favorables du droit de l’Union, le législateur a instauré « un délai de forclusion » de 2 ans au-delà duquel le salarié ne peut plus réclamer ses droits. Autrement dit, à compter du 24 avril 2024, les salariés ont 2 ans pour réclamer à leur employeur les congés payés qui leurs sont dus, soit jusqu’au 23 avril 2026 minuit.
La forclusion, à la différence de la prescription, ne peut pas être interrompue ni suspendue. Cela signifie qu’un salarié en arrêt longue durée au moment de la publication de la loi se voit quand même imposer ce délai butoir de 2 ans.

Pour la CGT, ce délai de 2 ans est contraire au droit de l’Union, dans la mesure où il empêche les salariés de bénéficier des droits qu’ils tiennent du droit européen.

Le délai de prescription triennale prévu pour les créances salariales s’applique, c’est-à dire un délai de 3 ans à compter de la rupture du contrat de travail.
ATTENTION : Pour tous les salariés qui ont quitté leur emploi avant le 24 avril 2021, leurs droits à congés sont donc prescrits et ils ne pourront plus faire valoir leurs droits.
Montant de l’indemnité compensatrice de congés payés : là encore, le législateur a essayé de réduire au minimum la portée des droits des salariés.
Il y a deux modalités de calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés : la règle « du dixième » et la règle « du maintien de salaire ». Pour la règle « du dixième », la nouvelle loi prévoit que le salaire fictif des absences pour accident ou maladie non professionnels, selon l’horaire de travail de l’établissement, est pris en compte dans la limite de 80 %. Mais l’indemnité de congés payés ne pouvant pas être
inférieure au salaire que le salarié aurait perçu s’il avait travaillé, la règle du maintien de salaire sera probablement plus favorable.
➔ Il faudra donc veiller aux modalités de calcul !

Que les salariés soient toujours en poste ou non, des premiers contentieux sont déjà bien avancés à ce sujet. Les conseils de prud’hommes et les cours d’appel reconnaissent la possibilité de demander en référé une provision sur indemnité de congés payés, puisqu’il n’y a aucun doute juridique sur le fait que la demande soit fondée. Les Conseils de prud’hommes et les Cours d’appel n’ont pas non plus attendu la loi
pour faire appliquer les jurisprudences de la Cour de cassation. Au-delà de l’application du droit tel que prévu a minima par le législateur, nous pouvons continuer de faire valoir la contrariété du droit français au droit de l’Union sur le fondement des différents points évoqués dans cette note.

Le statut national des Industries Electriques et Gazières prévoient dans son article 22 qu’en cas de maladie ou d’accident du travail, les agents statutaires mis dans l’incapacité de travailler, ont droit, pendant leur incapacité de travail, à leur salaire ou traitement intégral, allocations et avantages de tout nature compris, à l’exclusion des indemnités de fonction et cela à concurrence d’une durée maximale :

A) De 365 jours sur une période de quinze mois pour les maladies ou blessures courantes ;
B) De trois ans en cas de longue maladie quel qu’en soit le caractère.

Ce qui sous-entend que les agents statutaires IEG en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle acquièrent leurs congés payés dans leur intégralité (2,5 jours par mois) pendant leur arrêt pour une durée maximale de 365 jours sur 15 mois ou pendant trois ans en cas de longue maladie.


Cet acquis fondamental prouve une fois de plus que contrairement aux dires de certains employeurs notre corpus règlementaire était en avance sur son temps.