Constituée au lendemain de la Première Guerre mondiale, la Roumanie moderne est structurée autour du Danube, de la chaîne montagneuse des Carpates et de la mer Noire. Elle dispose sur ce territoire riche et diversifié d’importantes ressources en charbon, en pétrole (la première raffinerie au monde y est installée en 1857), en énergie hydraulique et en gaz.

Démocratie parlementaire à l’origine, la Roumanie subit l’influence du nazisme dans les années 1930 : la Garde de fer, un mouvement nationaliste et xénophobe, ne cesse de voir ses résultats électoraux progresser. En mars 1938, le roi Carol II prend les pleins pouvoirs et tente dans un premier temps de maintenir une position de neutralité.

En 1940, il se range du côté de l’Allemagne nazie, mais plusieurs forces armées roumaines combattent avec les Alliés. À la fin des conflits, la Roumanie est néanmoins considérée comme un pays vaincu et occupée par l’URSS. Un régime communiste est mis en place, qui proclame, en 1947, la République populaire roumaine.

Axée autour des combustibles fossiles et de l’hydroélectricité, l’industrie de l’énergie est directement gérée par le gouvernement. Dans les années 1980, le pouvoir planifie la construction d’une centrale nucléaire et choisit la technologie canadienne (CANDU). Deux réacteurs d’une puissance de 650 mégawatts chacun sont mis en chantier à Cernavodă, au sud-est du pays. Ils ne seront connectés au réseau qu’en 1996 et 2007.

Lorsque l’URSS adopte la perestroïka (à partir de 1985), le régime autoritaire de Nicolae Ceaușescu la refuse. Il est finalement renversé en 1989 au cours d’une révolution violente, qui fait plusieurs centaines de morts. Les communistes réformateurs instaurent la démocratie et l’économie de marché avant de perdre les élections au profit des libéraux. La Roumanie adhère alors à l’OTAN (2004) et à l’Union européenne (2007) et devient un pays attractif pour les détenteurs de capitaux. Compte tenu de liens historiques privilégiés et d’une grande similitude des deux langues, l’Italie y est le principal investisseur.
Mais certaines entreprises françaises y développent aussi des activités, à l’image du constructeur automobile Renault, qui possède plusieurs sites de production de la marque Dacia.

DÉRÉGULATION ET PRIVATISATION DE L’ÉNERGIE ROUMAINE

Comme dans la plupart des anciens pays communistes, la libéralisation de l’économie a bouleversé l’industrie de l’énergie. En 1990, l’État crée la Regia Autonomă de Electricitate (RENEL, Compagnie autonome d’électricité), une entreprise qui reste dans un premier temps publique. En 1998, elle est démantelée en deux sociétés anonymes : Nuclearelectrica (pour les activités nucléaires) et Compania Națională de Electricitate (CONEL), elle-même subdivisée en quatre entreprises : Termoelectrica (centrales thermiques), Hydroelectrica (centrales hydroélectriques), Electrica (distribution et fourniture) et Transelectrica (Transport). Dans le secteur gazier, les activités de transport et de distribution sont
également séparées.

En 2004 et 2005, les privatisations dans l’énergie commencent : la compagnie pétrolière SNP Petrom est
achetée par la firme autrichienne OMV, 51 % du capital d’Electrica est vendu au profit du Tchèque ČEZ, de l’Allemand E.ON et de l’Italien ENEL tandis que deux sociétés de distribution de gaz passent sous la coupe de Gaz de France et de l’Allemand Ruhrgas.

Puis la crise de 2007-2008 met un coup d’arrêt à la croissance économique et oblige Bucarest à solliciter
l’intervention de la « troïka » (Fonds Monétaire International, Banque centrale européenne et Union
européenne). La contrepartie est un vaste programme d’austérité qui rappelle la situation en Grèce : baisse des salaires des fonctionnaires, des pensions de retraite, nouvelles privatisations…

En 2013-2014, des parts minoritaires du capital de Nuclearelectrica et de Romgaz sont introduites en Bourse. La privatisation partielle de Romgaz, pour un montant de près de 390 millions d’euros, reste à ce jour-là plus importante opération de ce type en Roumanie. Néanmoins, l’État détient encore 70 % des actions. « Bien qu’il puisse être souhaitable, sous certains aspects, que les systèmes énergétiques reviennent entièrement sous propriété publique, cela serait très difficile à réaliser en pratique » estime Raluca Popescu, secrétaire de la Fédération syndicale du gaz de Roumanie. « Cela impliquerait des négociations délicates avec les investisseurs privés et éventuellement des compensations financières importantes. De plus, cela pose la question de la capacité de l’État roumain à gérer correctement ces entreprises. »

DES PROJETS DANS LE NUCLÉAIRE ET LE SOLAIRE

Le secteur électrique roumain repose encore largement sur le charbon (environ 18 %) et le gaz (17 %). Les
nombreux barrages, principalement dans les Carpates, assurent environ 30 % de la production et l’éolien un peu plus de 10 %. La centrale nucléaire de Cernavodă, au bord du Danube, produit un peu moins de 20 % de l’électricité du pays.

Deux tranches supplémentaires sont prévues de longue date, mais le projet a connu de nombreux revirements.
En 2008, un tour de table est finalisé avec des investisseurs européens qui se retirent finalement quelques
années plus tard. En 2014, Nuclearelectrica signe un accord avec la firme chinoise China General Nuclear
Power Corporation (CGN), qui sera rompu en 2020. Bucarest se rapproche alors des États-Unis, avec qui elle signe, en juillet 2021, un accord de coopération technique pour rénover Cernavodă et construire les tranches 3 et 4.

La Roumanie semble également bien placée pour devenir le premier pays européen à disposer d’un petit
réacteur modulaire (SMR). Située à Doicești, sur le site d’une ancienne usine de charbon, la centrale serait
fournie par la société américaine NuScale, dans le cadre d’un partenariat public-privé. Une décision finale du gouvernement pour valider le financement est attendue pour 2025.

En parallèle, Bucarest soutient le développement du photovoltaïque, notamment grâce à un programme
d’aide aux particuliers baptisé « Casa verde fotovoltaice » (« Maison verte photovoltaïque ») qui connaît un véritable succès. En 2023, un cap symbolique est atteint : la puissance totale installée chez les ménages dépasse la puissance de la centrale nucléaire de Cernavodă. Mais des mégaprojets sont également prévus. Dans l’Ouest du pays, le développeur Rezolv Energy, propriété du fonds d’investissement américain General Atlantic, a obtenu les autorisations pour construire une centrale photovoltaïque de plus d’un gigawatt, qui devrait être raccordée en 2025 et deviendrait alors le plus grand parc au sol d’Europe.

REMPLACER LE GAZ RUSSE

Mais, c’est dans le domaine du gaz que la Roumanie est en train de devenir un acteur majeur sur le continent. Le pays exploite déjà plusieurs sites sur terre et en mer Noire, qui en font le second plus grand producteur de l’Union européenne après les Pays-Bas. Et ce n’est pas fini : les 30 000 kilomètres carrés de zone exclusive qu’il possède en mer Noire pourraient receler 100 milliards de mètres cubes de gaz.

Dans les années 2010, deux importants gisements (Lira et Domino) ont été découverts en eaux profondes et mis en exploitation. Celle-ci est toutefois freinée par la guerre russe en Ukraine, qui rend la zone peu sûre.

En parallèle, Bucarest a signé avec l’Azerbaïdjan un protocole d’accord pour importer du gaz liquéfié. Alors que le contrat de transit du gaz russe par l’Ukraine arrive à échéance fin 2024 et que les livraisons en direction de l’Union européenne pourraient s’arrêter net en janvier 2025, la Roumanie se prépare à devenir incontournable. Contrairement aux années 2010, le gouvernement semble d’ailleurs vouloir freiner les investissements étrangers dans l’énergie, craignant une augmentation des prix et sans doute un manque à gagner pour l’État en matière d’exploitation gazière.